Comment vous présenteriez-vous ?

Avocate de formation, j’ai d’abord intégré le barreau juste après l’obtention de mon Mastère en Sciences politiques, puis j’ai très vite rejoint le secteur humanitaire où j’ai exercé plus de 15 ans, travaillant dans des contextes variés et exigeants, principalement en Afrique, mais aussi au Moyen-Orient et en Amérique latine.

Durant toutes ces années, j’ai géré des projets et des programmes au niveau national ou régional, j’ai dirigé des équipes multidisciplinaires avec des objectifs centrés sur la protection et le soutien aux plus vulnérables. J’ai géré l’ensemble du cycle de vie des employés, y compris le recrutement, l’intégration, la gestion des performances et la formation.

Aujourd’hui je suis consultante spécialisée dans l’accompagnement de carrière personnalisé et fondatrice de Humanitarian Career Consulting.  Je mets mon expertise au service des travailleurs humanitaires et de tous ceux qui aspirent à une carrière à impact social et souhaitent intégrer le secteur humanitaire.  Le secteur humanitaire est un secteur qui a une culture propre assez particulière, tout en étant un secteur professionnel qui requiert comme les autres une gestion de carrière professionnelle.

En tant que consultante en carrières humanitaires, quelles compétences clés identifiez-vous souvent chez des candidats venant du secteur de l’aide humanitaire qui pourraient être particulièrement utiles dans le secteur privé ?

Dans le secteur de l’aide, les professionnels développent des compétences en gestion de crise, adaptation rapide, résilience, et une capacité unique à prendre des décisions avec des ressources limitées. Ce sont des atouts précieux pour les entreprises privées qui recherchent des collaborateurs capables de gérer des projets complexes sous pression. De plus, leurs compétences en communication interculturelle et en gestion d’équipes pluridisciplinaires apportent une richesse d’approche que peu d’autres environnements peuvent offrir.

Quels conseils donneriez-vous à des professionnels qui souhaitent passer du secteur privé au secteur humanitaire, pour mettre en valeur leur expérience auprès des recruteurs de l’ humanitaire?

Travailler dans l’humanitaire est souvent une vocation, une volonté profondément ancrée d’aider autrui. Cela est particulièrement vrai pour ceux qui œuvrent dans des zones touchées par des catastrophes, qu’elles soient naturelles ou causées par l’homme, ou dans des contextes de conflit. Cependant, il est tout à fait possible de cultiver cette vocation et de contribuer au secteur humanitaire depuis son pays ou lieu de résidence. De nombreux postes de coordination et de soutien aux équipes intervenant auprès des communautés vulnérables sont basés dans des villes ou des pays stables, offrant ainsi un appui essentiel aux équipes sur le terrain.

Une fois que la personne a pris la décision de s’engager, il est essentiel de reformuler son expérience pour mettre en avant les compétences transposables comme la gestion de projet, la négociation, et l’innovation. Les employeurs humanitaires apprécient les candidats venant du privé qui sont capables de structurer et d’optimiser les processus, souvent nécessaires dans des contextes où les ressources sont limitées. Dans le cadre d’une transition vers le secteur humanitaire, il est important de prendre le temps de se documenter sur les enjeux du secteur, de comprendre ses dynamiques spécifiques et de se familiariser avec son vocabulaire. Par exemple, un ‘Chargé de Protection’ dans le secteur privé n’a pas les mêmes responsabilités qu’un ‘Chargé de Protection’ dans le secteur humanitaire.

Il convient également de noter que, dans la plupart des cas, un Master est requis, notamment pour les postes internationaux. Ce Master n’a pas nécessairement besoin d’être orienté spécifiquement vers l’humanitaire. Dans le cadre d’une reconversion, de nombreuses formations spécialisées, en ligne ou en présentiel, existent, comme celles offertes par des instituts spécialisés tels que Bioforce en France.

Humanitarian Career Consulting propose également un accompagnement personnalisé pour aider ceux qui souhaitent débuter une carrière dans l’humanitaire.

D’après votre expérience, quelles sont les différences majeures en termes de compétences comportementales (soft skills) entre les profils issus du secteur privé et ceux du secteur non-lucratif ? Et comment ces différences peuvent-elles être des atouts dans le cadre d’un changement de secteur ?

Les profils humanitaires se distinguent souvent par une empathie et une capacité d’adaptation accrues, façonnées par des années de travail dans des contextes à risque élevé, où la réactivité et la compréhension des besoins humains sont essentielles. En revanche, le secteur privé valorise particulièrement l’efficacité orientée vers les résultats et la capacité à atteindre des objectifs mesurables dans des délais serrés.

Ces soft skills complémentaires représentent un atout majeur lors d’une transition de carrière: les professionnels humanitaires peuvent apporter une approche centrée sur l’humain et la résilience, tandis que ceux venant du secteur privé apportent leur vision pragmatique de l’atteinte des objectifs et leur rigueur opérationnelle. Cette combinaison de compétences favorise un enrichissement mutuel et un environnement de travail équilibré et efficace.

Pouvez-vous partager un exemple d’un professionnel ayant réussi une transition du privé vers le non-lucratif, ou inversement, et souligner les compétences qui ont fait la différence dans ce changement de carrière ?

J’ai rencontré de nombreux professionnels ayant réussi une transition du secteur privé vers le secteur non-lucratif, et inversement. Certaines fonctions se prêtent particulièrement bien à ces changements, tels que ceux en médecine, en IT, en marketing, ou encore en droit, comme dans mon cas, où j’ai quitté le barreau pour rejoindre le secteur humanitaire.

Sur la page LinkedIn de Humanitarian Career Consulting , j’ai partagé des histoires de reconversions réussies, notamment celle d’un responsable comptable et financier qui a quitté un grand groupe international après qu’une catastrophe naturelle se soit abattue sur son pays. Après une formation aux métiers de l’humanitaire, il a rejoint une organisation humanitaire connue et y mène depuis une carrière à succès en aidant les plus vulnérables. Ces témoignages montrent que les compétences acquises dans le secteur privé peuvent s’adapter et se valoriser dans un contexte humanitaire.

Il suffit de parcourir LinkedIn pour constater que de nombreux professionnels de l’aide humanitaire viennent du privé : des journalistes qui se sont reconvertis à la communication humanitaire, des médecins et des infirmières qui ont quitté le “confort” de leurs hôpitaux bien équipés pour travailler aux côtés de communautés dans le besoin, souvent dans des conditions précaires, afin de sauver des vies.
Ces parcours et bien d’autres montrent que les compétences sont non seulement transposables, mais qu’elles enrichissent les deux secteurs.

Quels types de rôles ou d’entreprises dans le secteur non-lucratif valorisent particulièrement l’expérience acquise dans le privé?

Le secteur non-lucratif est généralement ouvert à une grande diversité de profils professionnels. Toutefois, certains types de compétences sont particulièrement recherchés. Les ONG et autres organisations valorisent notamment l’expérience acquise dans le privé en gestion financière, logistique et stratégie, des atouts essentiels pour des fonctions de gestion de programmes, de collecte de fonds, et de communication. Les profils médicaux et d’ingénierie sont également très prisés pour leur expertise technique.

Les ONG recherchent souvent des professionnels issus du secteur privé pour structurer et professionnaliser leurs opérations, ce qui contribue à renforcer leur efficacité et leur impact.

Chez Humanitarian Career Consulting, nous accompagnons ces professionnels dans l’identification des rôles correspondant à leur expérience et dans le développement d’une approche qui s’aligne avec les valeurs et les exigences du secteur humanitaire.

Conclusion:

Merci, Mathilde pour cette interview croisée qui montre bien que le secteur privé et le secteur non-lucratif partagent des besoins en compétences et qu’il est possible de construire une carrière enrichissante dans les deux, quel que soit le secteur dans lequel on a commencé sa carrière. Après avoir identifié ses forces et ses compétences transférables, chaque professionnel peut envisager une transition réussie et valoriser son parcours au service de nouveaux défis et de nouveaux impacts.